1 decembrie 2014

Allocution de l’ambassadeur de Roumanie à Dakar, S.E.M. Ciprian Mihali, à l’occasion de la Fête Nationale roumaine (27 novembre 2014)



Monsieur le Ministre de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche du Sénégal,
Monsieur le Ministre de l’Education Nationale de Roumanie,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Messieurs les Consuls Honoraires de la Roumanie,
Mesdames et Messieurs les représentants des institutions sénégalaises et internationales,
Chers collègues roumains et sénégalais de l’Ambassade,
Dragi compatrioţi,

Nous célébrons le 1er Décembre la Fête Nationale de la Roumanie, le 96ème anniversaire de la Grande Union de tous les territoires roumains dans un Etat uni et indépendant, dans un contexte local et international tout à fait spécial : le Sénégal accueille cette semaine le XVème Sommet de la Francophonie, grande fête de la communauté francophone internationale, mais aussi un moment très important de réflexion et de décision dans un contexte contemporain trouble, avec des défis redoutables, avec des crises politiques, humanitaires, sanitaires en Afrique, au Moyen Orient, en Europe.
C’est néanmoins une double fête qui nous réunit aujourd’hui et je vous remercie toutes et tous d’avoir accepté notre invitation de nous joindre dans ce moment de joie et de partage, d’autant plus que nous avons tous un agenda si chargé à cette période de l’année.



Pour la Roumanie et les Roumains, le français n’a jamais été une langue étrangère. En nous inspirant le code juridique au début du XIXème siècle, en nous insufflant l’espoir de l’émancipation et de la liberté en 1848, en nous accompagnant dans l’effort de construction de l’Etat moderne mais aussi en accueillant les grands esprit de la culture roumaine entre les deux guerres et surtout après 1945, la langue française a toujours été pour les Roumain lieu d’accueil, espace de liberté et d’épanouissement.
Emile Cioran, ce grand écrivain d’origine roumaine a pu dire un jour que « ma patrie n’est pas un pays, ma patrie est la langue roumaine ». En élargissant le sens de cette belle affirmation, je pense qu’elle est plus actuelle que jamais : notre pays, nous le transportons dans les valises de notre langue. Notre maison cesse d’être un lieu fixe pour devenir une trajectoire, un mouvement continu entre des endroits où nous nous arrêtons temporairement juste pour aller plus loin, encore plus loin. Et lorsque nous devenons des nomades, des voyageurs pour lesquels aucune destination n’est définitive, nous avons besoin de nous retrouver dans des lieux d’hospitalité et qui ne sont pas forcément des lieux géographiques ; des lieux que nous pouvons emporter avec nous partout dans le monde.
Et un tel lieu d’hospitalité est pour nous la langue française. Réfugiés, exilés, émigrants, étudiants, enseignants, voyageurs, diplomates, la langue française a eu la générosité de les accueillir tous, de leur offrir un abri, de leur reconstruire un pays d’adoption. Et tous ses nomades ont su, à leur tour, la récompenser, par leurs créations, par leurs contributions stylistiques, par leurs sonorités, en enrichissant ainsi une langue qui est sans doute aujourd’hui plus d’un simple moyen de communication.



Nous, les francophones, nous avons la chance de nous laisser envelopper et transporter par le son de cette langue française qui nous permet d’être chez nous partout où cette langue est parlée : Roumains au Sénégal, Gabonais au Canada, Tunisiens au Vietnam, Maliens en Belgique etc. Nous retrouvons notre patrie dans les références culturelles communes, dans les rythmes des poèmes et des chansons, dans les idées et les sensations que nous procurent la rencontre et le dialogue de l’autre, si proche déjà de moi quand il me parle en français.
Arrivé  à ce point, j’oserais dire que c’est exactement cela le défi le plus important qui se présente aujourd’hui devant les instances de la Francophonie politique réunies à Dakar : je pense que les décideurs de nos Etat et de l’Organisation internationale de la Francophonie sont entièrement conscients du fait qu’ils ont une mission capitale devant eux : ils doivent être capables de construire une patrie, une maison pour les francophones dispersés sur les cinq continents, et pas n’importe quelle maison : une maison habitable, une maison de la dignité humaine, une maison dans laquelle ils auront le droit et les moyens d’amener leurs expériences, leurs cultures, leurs valeurs, c’est-à-dire leurs différences.

Les autorités sénégalaises et le Comité scientifique du Sommet ont eu l’inspiration de choisir comme thème de travail pour cette année les forces montantes de la Francophonie. En effet, nos dirigeants politiques auront à assumer un double défi : d’une part, se mettre à l’écoute de toutes ces forces qui émergent, qui montent et qui se trouvent dans une dynamique imprévisible et, d’autre part, imaginer et mettre en œuvre les conditions qui permettront demain aux jeunes d’aujourd’hui, mais aussi aux femmes, aux marginaux, aux réfugiés, aux victimes, aux immigrants, de mener une vie digne, de jouir de leurs droits et libertés. Nous ne pouvons plus ignorer aujourd’hui les risques, les crises, les injustices, sous peine d’assister dans nos pays à des éclatements, à des révoltes, ou, pire encore, à des crises et des guerres.

Messieurs les Ministres, chers invités, vous avez, nous avons tous cette responsabilité : non seulement de mettre en œuvre des programmes éducationnels destinés aux jeunes générations qui viennent après nous, mais aussi convaincre les enfants et les adolescents de nos pays que l’apprentissage d’une langue aussi riche, aussi hospitalière est une chance. Une chance pour eux, individuellement, mais aussi une chance pour leurs communautés, pour leurs sociétés, tant qu’ils seront capables et disponibles d’inclure dans cet apprentissage l’esprit de la tolérance, le respect de l’autre, le sens de la critique et de la lucidité, le désir de connaître la diversité du monde.

Je fais partie d’une génération qui a eu l’opportunité de vivre un moment historique, il y a 25 ans : la chute d’une dictature qu’on a pu croire à un moment donné éternelle et le sentiment que nous participions à la réécriture de l’histoire, comme acteurs et responsables de ce nouveau commencement. C’était comme une deuxième naissance, comme le réveil heureux après un lourd cauchemar. Nous apprenions à vivre comme des enfants, à côté d’autres enfants qu’on ne connaissait pas tellement et qui s’appelaient Europe, démocratie, liberté, droits de l’homme. Un quart de siècle plus tard, nous sommes devenus adultes, la société roumaine est devenue elle-même une société mûre, stable et profondément attachée aux valeurs démocratiques. La Roumanie se présente donc aujourd’hui devant le monde comme un pays fier et confiant dans son avenir, qui a pu tirer les enseignements de ses expériences malheureuses et qui a su aussi faire les bons choix : la voie résolument européenne, la fidélité envers nos partenaires, traditionnels ou nouveaux, la solidarité avec d’autres pays qui ont connu des injustices et épreuves tragiques. Et je ne manquerai pas de nommer, de tout mon cœur, la francophonie comme l’un de nos choix électifs les plus inspirés et les plus enrichissants.


Pour finir, je tiens à exprimer ma gratitude et la gratitude du peuple roumain envers ceux qui ont cru et croient toujours dans ce destin démocratique de la Roumanie (et je pense ici notamment à nos partenaires européens et nord-américains) et à assurer nos amis sénégalais et africains que mon pays n’épargnera aucun effort pour mettre à leur disposition notre expérience, pour les encourager et pour leur montrer que c’est possible, qu’il n’y a pas d’autre recette du succès démocratique en dehors d’une conviction inébranlable et d’une lutte permanente en faveur de la liberté, des droits humains, de l’Etat de droit et de la justice.

Images de la réception.

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